Pour la première fois dans l’histoire, nous sommes confrontés à un confinement universel loin d’être maîtrisé par les autorités sanitaires malgré les constants efforts pour minimiser l’impact et l’expansion de la pandémie.
Après plus d’un mois confinés, nous devons faire face à un changement drastique dans nos habitudes de vie et à un isolement qui, sans doute, devient parfois anxiogène pour une grande majorité de personnes. Les réactions anxiogènes sont tout à fait naturelles puisqu’elles agissent comme un facteur de défense contre les menaces aussi bien pour notre santé physique que mentale :
La perte des proches, le choc émotionnel dû à la perte soudaine et aux restrictions empêchant d’organiser les cérémonies funéraires qu’on aurait souhaité.
Notre privation de liberté individuelle, ce qui provoque un sentiment d’impuissance et peut faire l’objet d’un processus de deuil pour accepter la réalité et la place que le gouvernement nous oblige à respecter aujourd’hui. Ce confinement si drastique n’a jamais été vécu en dehors des périodes de guerre. Cela peut aussi accentuer les pensées négatives associées à ces moments historiques incertains et dangereux.
La sur-information et la faible prise de recul : le suivi des données sur la gravité de la pandémie au quotidien comme le nombre de décès, d’hospitalisations, de réanimations… Cet ensemble de données est important à suivre, cependant il peut facilement envahir notre espace de confort, donc la prise de recul peut devenir compliquée.
La peur de l’avenir sanitaire, économique, social et mondial.
L’anxiété est une souffrance psychique qui peut par la suite inviter d’autres souffrances à s’installer dans notre quotidien. Les probabilités d’apparition de celles-ci dépendront de notre résilience, qui dépend en même temps de nos facteurs de protection et de vulnérabilité personnelles, tels que : nos antécédents pathologiques et génétiques, notre personnalité, des facteurs environnementaux (conditions socio-économiques, accès à des réseaux de soutien, la qualité du soutien des proches), nos anciennes expériences vécues et la manière dont nous avons jusqu’à présent fait face à des situations similaires…
L’American Psychological Association a publiée en 2015 ces dix façons de construire la résilience :
Établir des relations,
Eviter de voir les crises comme des obstacles insurmontables,
Accepter le changement comme un processus naturel de la vie,
Établir des défis,
Mettre en place des actions décisives,
Chercher des opportunités pour se découvrir,
Cultiver une vision positive sur soi-même,
Maintenir une perspective objective des faits,
Ne pas perdre l’espoir,
Prendre soin de soi-même.
Il est important de prendre en compte qu’une souffrance deviendra plus ou moins grave selon le mal-être que celle-ci provoque chez la personne, chez les autres personnes de son environnement social immédiat (famille, amis, collègues) ou lorsque celle-ci a un impact négatif sur les domaines sociaux, éducatifs ou professionnels.
Tant pour les conséquences cognitives que pour les conséquences psychiques liées au confinement, les facteurs de vulnérabilité environnementaux peuvent être dans certains cas sous-estimés. Voici les plus fréquents : le vécu d’expériences traumatiques, le type d’expositions sociales et le manque d’interactions sociales, la promiscuité, la sédentarité, le rythme de sommeil et la fatigue, l’exposition illimitée aux écrans, l’emploi du temps avec des activités très longues et peu variées, l’alimentation…
Quelles conséquences risquent de nous arriver ?
La sous-stimulation peut entraîner des sur-efforts cognitifs pour :
Récupérer des anciennes informations stockées dans la mémoire à long terme et dans la mémoire sémantique.
Retenir et traiter de nouvelles informations (mémoire de travail), se concentrer, ignorer les interférences et les distractions.
Solliciter les processus de raisonnement tels que l’association, l’intégration et la vitesse de traitement nécessaires pour la compréhension et l’assimilation des informations.
Les conséquences psychiques peuvent se manifester sous plusieurs formes :
Stress post-traumatique,
Pensées dépressives,
Anxiétés (trouble panique, agoraphobie, anxiété sociale, anxiété généralisée),
Comportements d’évitement sociaux,
Comportements compulsifs liés à la propreté,
Perte d’habiletés sociales,
Altérations de l’humeur et de l’estime de soi,
Pensées obsessionnelles et ruminations (intrusives, automatiques, neutralisantes).
Comment peut-on éviter cela ?
Voici quelques pistes ayant pour but de vous aider dans cette période nouvelle et difficile.
Organiser l’environnement et établir des habitudes de vie :
Se fixer des routines variées et faire des petites pauses entre elles (méditation, temps de travail, entrainement cognitif avec des activités de loisirs, lecture, sport, activités créatives, ménagères, activités en famille, temps d’échange et d’entraide).
Réduire les distracteurs pour favoriser la pleine concentration et prendre conscience de notre disponibilité mentale.
Limiter l’accès aux écrans et maintenir cet effort malgré de potentielles difficultés au début (téléphone, ordinateur, télévision).
Se fixer des objectifs quotidiens et futurs qui soient réalisables et les quantifier.
Planifier, décomposer les tâches difficiles par étapes afin de mieux investir ses ressources mentales dans la situation présente.
Parvenir à mémoriser les choses importantes à l'aide de plusieurs moyens : résumer les informations en les hiérarchisant selon leur contenu et leur importance, reformuler avec ses mots, associer les nouvelles informations avec des souvenirs, utiliser des mémoires externes (agenda, cahier, post-its...), des acronymes, fragmenter les données par blocs (notamment les chiffres), catégoriser par fonctions ou caractéristiques, utiliser les rimes...
Améliorer la qualité attentionnelle, écouter ses besoins intérieurs
et réguler ses émotions :
Pratiquer la respiration consciente abdominale plusieurs fois par jour et des exercices de pleine conscience : observer et apprécier l’instant présent avec tous nos sens, prendre conscience de la respiration, de ses pensées, ses émotions, ses actions… agir de façon consciente et observer l’évolution de votre état interne suite à chaque action.
Diriger l’attention et imaginer des moments agréables et paisibles : des souvenirs, des symboles, des bruits, des odeurs, se créer de nouvelles images mentales…
Diriger l’attention sur les différentes parties du corps et comparer le niveau d’activation. Lorsqu’une émotion négative envahit votre corps, se poser des questions en attendant que les sensations vous fournissent les réponses : quelle est la pire sensation provoquée par ce sentiment ? ; qu’est-ce qui devrait se passer ? ; comment je me sentirais si tout allait bien ? ; qu’est-ce qui entrave ma progression ?
S’auto-analyser, identifier les signes précurseurs qui annoncent le début d’un décrochage émotionnel ou cognitif. Ensuite, réfléchir aux causes et aux déclencheurs afin de mieux respecter vos besoins cognitifs, émotionnels et corporels.
Promouvoir le bien-être personnel, accueillir la bienveillance
et la reconnaissance envers soi-même :
Maintenir une ouverture avec l’environnement et les autres en réfléchissant à la fin de chaque journée à trois choses positives que vous avez vécues ou ressenties.
Etre dans un mode de pensée positif et bienveillant. Dans le cas où une situation désagréable est vécue, décrire brièvement la situation de façon objective sans négliger vos émotions et essayer de trouver trois raisons qui vous permettent de voir le côté constructif de la situation pour votre développement personnel.
Renforcer la confiance et l’estime de soi en mettant ses forces et vertus en face : réfléchir sur vos points forts personnels (créativité, persévérance, amabilité, ouverture d’esprit, curiosité…), sur comment vous pouvez les utiliser dans un contexte nouveau et différent, puis chercher des situations propices pour les mettre en valeur et renforcer sa confiance en soi.
Utiliser l’humour comme moyen pour relativiser et se lier aux autres.
Communiquer efficacement à l’aide des étapes issues de la communication non violente : décrire la situation sans jugement, exprimer son émotion, nommer le besoin à l’origine du sentiment, formuler une demande positive sans exiger et expliquer de façon objective les conséquences positives et les inconvénients de la situation.
Enfin, il est fortement conseillé que les personnes qui sont en première ligne du confinement (professionnels médicaux, familles…) et qui doivent affronter un deuil suite à un décès non assimilé sollicitent l’accompagnement d'un professionnel expérimenté. Celui-ci l’encouragera à partager les souffrances liées au décès et à mieux comprendre avec un regard extérieur les circonstances de la perte et les capacités d’action de la personne.
"Une expérience traumatisante est toujours positive, mais ce qui s'en suit dépend de chacun. Il nous appartient de convertir l’expérience négative en victoire, la vie en un triomphe intérieur, ou bien nous pouvons ignorer ce défi et se limiter à végéter et à tomber." Viktor Frankl (1946)
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